L' arthrose est la plus fréquente des maladies rhumatologiques et le premier motif de consultation en Europe chez les plus de 60 ans. Cette maladie causée par la destruction du cartilage articulaire conduit à des douleurs et des impotences. En France, plus de 4 millions et demi de personnes sont touchées, la moitié ayant plus de 65 ans. Le coût pour la Sécurité Sociale est important en raison du nombre d'arrêts de travail et d'interventions chirurgicales générées par cette maladie. L' arthrose peut atteindre différentes articulations. Quelle que soit l'articulation touchée, certaines caractéristiques de la maladie sont constantes. Une articulation unit deux os protégés par un cartilage à leurs extrémités. Ces deux extrémités sont enfermées dans une capsule articulaire. L'intérieur de cette capsule est tapissé par la membrane synoviale, qui sécrète un liquide : le liquide synovial. Le cartilage, quant à lui, est composé de cellules, les chondrocytes, entourées d'une substance composée d'eau, de collagène et de protéoglycanes. Les chondrocytes exercent à la fois une activité de synthèse du cartilage (fabrication de collagène et de protéoglycanes) et de dégradation du cartilage, par la sécrétion d' enzymes (collagénases et protéases). Le patient qui consulte est en général sujet à des douleurs articulaires. Cette douleur apparaît lors d'un effort, par exemple lorsque le patient se lève, puis elle diminue au repos. Elle peut s'accompagner de craquements ("crépitations") dus à l'altération du cartilage. La douleur conduit ainsi à une diminution de l'amplitude des mouvements articulaires. L' arthrose est une détérioration du cartilage articulaire. Elle est due au fait que l'activité de dégradation du cartilage par les chondrocytes dépasse leur activité de synthèse. Des débris de cartilage tombent dans la cavité articulaire, et la membrane synoviale qui capte ces débris peut devenir inflammatoire. Des facteurs de croissance et des cytokines ( molécules permettant la communication entre les cellules du système immunitaire) affluent alors sur les lieux de l'inflammation. En raison de l'amincissement du cartilage, les extrémités osseuses sont moins protégées. En réponse, l'ostéogenèse (fabrication d'os) est stimulée, ce qui conduit à une condensation osseuse. Les lésions restent silencieuses un certain temps car le cartilage articulaire n'est pas innervé, contrairement à d'autres éléments de l' articulation. A l'inverse, la membrane synoviale est innervée et génère des douleurs lors de son inflammation. L'absence de protection des extrémités de l'os conduit également à des douleurs. Le diagnostic Plusieurs signes conduisent au diagnostic de l'arthrose : • les signes cliniques (douleurs articulaires), • les signes radiographiques. Sur une simple radiographie de l'articulation, on observe l'amincissement du cartilage et une densification de l'os sous-chondral (situé sous le cartilage articulaire). Une excroissance (ostéophyte) apparaît. On parle souvent de " bec de perroquet", • es signes arthroscopiques. L' arthroscopie consiste à explorer l'intérieur de la cavité articulaire en introduisant un instrument optique appelé arthroscope. L'arthroscopie est couramment réalisée au genou. Plusieurs facteurs peuvent causer l' arthrose. • Des facteurs locaux : des déformations congénitales ou acquises, des traumatismes articulaires ou des microtraumatismes professionnels et sportifs. Certains sports peuvent favoriser l'apparition d'arthrose. Par exemple, le football favorise l'arthrose du genou et de la hanche. L'intensité de la pratique sportive est un facteur déterminant dans l'apparition de la maladie. • Le vieillissement : la fréquence de l'arthrose augmente âge (2 à 3 % de personnes arthrosiques avant 45 ans, un tiers entre 45 et 65 ans et deux tiers après 65 ans). En général, le vieillissement n'est pas la seule cause : les lésions du vieillissement étant compliquées par d'autres facteurs, • Des facteurs génétiques. Certaines malformations héréditaires favorisent l'arthrose. Une anomalie des gènes codant pour la synthèse du collagène peut conduire à une arthrose précoce, • Des facteurs hormonaux. Alors qu'avant 50 ans, les hommes sont plus touchés que les femmes, la tendance s'inverse ensuite. La ménopause qui se traduit par la chute des œstrogènes pourrait influencer le fonctionnement des chondrocytes, • L' obésité, notamment pour l'arthrose du genou. Le traitement de l' arthrose arrive en dernier recours. La prévention de la maladie consiste à limiter les fractures, dépister les malformations congénitales (luxation de la hanche), prévenir les microtraumatismes professionnels en adaptant les conditions de travail, et lutter contre l' obésité. En cas d'arthrose avérée, des traitements médicamenteux et chirurgicaux sont possibles. 1 - Les traitements médicamenteux Lors des poussées inflammatoires, les anti-inflammatoires non-stéroïdiens (A.I.N.S.) et les infiltrations locales de corticoïdes sont utilisés. En dehors de ces poussées, les antalgiques sont préconisés pour calmer la douleur. Des médicaments spécifiques de l'arthrose existent également : les chondroprotecteurs. Ils permettent de protéger et de régénérer le cartilage. Il s'agit par exemple des insaponifiables de soja, de l'oxacéprol et de la chondroïtine-sulfate ( molécule naturellement présente dans le cartilage). La coxarthrose est l' arthrose de la hanche. 1 - Anatomie de la hanche Au niveau de la hanche, la tête fémorale vient s'emboîter dans une cavité de l'os iliaque : le cotyle. 2 - Symptômes et diagnostic La douleur survient à l'appui, lors de la marche, et se calme au repos. Une canne, puis deux, deviennent nécessaires à la marche. Les craquements sont plus rares que pour l'arthrose du genou. Des poussées inflammatoires ont lieu au cours de l'évolution de la maladie. Les radiographies permettent de confirmer le diagnostic. 3 - Les causes La coxarthrose peut être causée par une malformation congénitale ou acquise, un traumatisme ancien, ou une activité sportive intense (football, rugby, judo ou danse). Contrairement à l'arthrose du genou, la coxarthrose n'est pas associée à l' obésité. 4 - Traitement de l'arthrose de la hanche Lors de l'inflammation, l' articulation doit être mise au repos. Des A.I.N.S. ( Anti-inflammatoires non stéroïdiens) sont prescrits, associés éventuellement à des infiltrations de corticoïdes. En dehors de ces poussées, la rééducation peut être pratiquée, en particulier en piscine. Une cure thermale peut être utile. D’autre part, la pose d'une prothèse de hanche consiste à remplacer les extrémités articulaires détruites (tête fémorale et cotyle) par un matériel de même configuration générale. La gonarthrose est l' arthrose du genou. 1 - Anatomie du genou Le genou est l' articulation qui se trouve entre le fémur et le tibia. Au niveau du genou, le fémur présente deux protubérances appelées condyles. En face, le tibia présente quant à lui deux plateaux qui accueillent les condyles. Lorsque l'on plie le genou, les condyles du fémur glissent sur les plateaux du tibia. En même temps, la rotule glisse dans un rail du fémur (la trochlée). Les ligaments croisés permettent un réglage harmonieux de ces glissements. Les frottements sont évités grâce à des cartilages lisses. Une poche synoviale entoure le genou. Elle contient le liquide synovial dans lequel baigne le cartilage. uploads/RTEmagicC_art6.jpg.jpg Articulation du genou. Source : UFR STAPS des Antilles et de la Guyane 2 - Les symptômes Le premier signe d'arthrose du genou est une douleur qui apparaît lors de la marche et disparaît au repos. Elle s'accompagne d'une raideur du genou. Si le genou est gonflé, un épanchement de synovie peut avoir lieu. L'utilisation d'une canne devient alors nécessaire. L'articulation se déforme lentement au fur et à mesure que la maladie évolue, et il faut une dizaine d'années pour que le cartilage disparaisse (environ 7 ans pour la coxarthrose). L'arthrose du genou se manifeste cependant par des poussées successives. Les périodes d'accalmie peuvent être de longue durée. Enfin, il faut savoir que deux fois sur trois, l'arthrose touche les deux genoux. 3 - Le diagnostic Sur une radiographie du genou, l'espace qui normalement se trouve entre le fémur et le tibia disparaît : les os se touchent. Des becs de perroquets (ostéophytes) peuvent ainsi être observés. 4 - Les causes L'arthrose du genou est localisée là où porte le corps. Les hommes ont les genoux un peu arqués (en genu varum), et leur poids repose plutôt à l'intérieur du genou. Les femmes ont le pied plus tourné vers l'extérieur (en genu valgum) : leur poids repose à l'extérieur du genou. L'usure du cartilage diffère donc entre les hommes et les femmes. L'arthrose peut aussi concerner la rotule, voire tous les cartilages du genou. Une déviation importante du genou (en genu varum ou valgum) peut causer une usure anormale du genou. Le surpoids aggrave également l'arthrose du genou. En cas de polyarthrite rhumatoïde, la poche synoviale ne fonctionne pas normalement, ce qui peut entraîner une usure du cartilage. Les sports qui sollicitent beaucoup le genou (football, tennis) peuvent favoriser la gonarthrose. Les déformations du genou. Source : Société Française de Rhumatologie 5 - Le traitement de l 'arthrose du genou Dans le cas d’une gonarthrose, des anti-inflammatoires peuvent être prescrits. Un nettoyage du genou par arthroscopie peut également être réalisé par un chirurgien, ce qui permet de retirer les particules de cartilage tombées dans l'articulation. De plus, l'ostéotomie du genou consiste à redresser chirurgicalement un genou déformé, afin que le côté du genou qui n'est pas usé soit plus sollicité. Elle est préconisée avant 50 ans et permet de repousser l'aggravation de la maladie d'une dizaine d'années. Enfin, lorsque l'arthrose a beaucoup évolué, la pose d'une prothèse de genou s’avère parfois nécessaire. On distingue plusieurs types d' arthrose selon la région de la colonne touchée. 1 - Anatomie de la colonne vertébrale et des vertèbres La colonne vertébrale comprend 24 vertèbres avec, de haut en bas : 7 vertèbres cervicales, 12 vertèbres dorsales et 5 vertèbres lombaires. Au niveau de chaque articulation intervertébrale se trouve un disque intervertébral qui permet d'associer deux vertèbres. Le disque intervertébral est constitué d'un anneau périphérique (anneau lamelleux ou fibreux) et un d'un noyau central gélatineux ( noyau pulpeux). 2 - La lombarthrose ou arthrose lombaire Elle conduit à des douleurs dans le bas du dos : c'est le "lumbago" ou "tour de reins". Elle peut être favorisée par une hyperlordose, c'est-à-dire une cambrure excessive. Le repos est préconisé au patient. Des antalgiques et des anti-inflammatoires sont prescrits. Les infiltrations de cortisone sont également possibles. 3 - La dorsarthrose ou arthrose dorsale Bien que fréquente, cette arthrose est souvent silencieuse car la partie dorsale de colonne vertébrale est une région qui participe peu aux mouvements de rotation du corps. Le psychisme semble influencer l'apparition des douleurs et leur intensité. Afin d’atténuer les effets de ce type d’arthrose, des sédatifs sont régulièrement associés aux traitements médicamenteux classiques. 4 - La cervicarthrose ou arthrose cervicale Dès 40 ans, environ la moitié des personnes commenceraient à ressentir cette forme d'arthrose. L'arthrose cervicale s'accompagne souvent de douleurs dans le bras. Les muscles de la nuque sont contractés, les douleurs sont diffuses et souvent plus intenses d'un côté que de l'autre. Les phases de poussées de la maladie sont généralement de courte durée (3 à 4 semaines). Avec l' arthrose de la colonne, l'arthrose des mains est la plus courante des arthroses. L'arthrose des doigts apparaît plutôt chez des femmes à partir de 45 ans. L'arthrose peut toucher les articulations se trouvant entre les phalanges des doigts. L'arthrose du pouce est la plus courante et la plus invalidante des arthroses de la main. Elle peut être la conséquence de microtraumatismes sportifs (golf, tennis) ou professionnels (serveuses...). Le traitement consiste à utiliser des anti-inflammatoires et une attelle pour la nuit. La chirurgie est possible. L'arthrose du poignet, du coude, de la cheville et de l'épaule sont assez rares. Enfin, l'arthrose du gros orteil du pied concerne plutôt les femmes. Elle conduit à un défaut lors de la marche qui s'appuie sur le bord externe du pied. Le stress influence-t-il l' arthrose ? Lorsque nous sommes stressés, une glande (la cortico-surrénale) sécrète des hormones corti- stéroïdes comme le cortisol. Le cortisol a une action anti-inflammatoire. Le stress pourrait favoriser l'inflammation par épuisement des cortico-surrénales et du cortisol. Les gens stressés ont ainsi tendance à faire peu de sport, mal se nourrir et oublier de se relaxer musculairement, ce qui peut affecter l'évolution de la maladie. - L'alimentation joue-t-elle un rôle dans l'arthrose ? Les aliments qui renforcent l'os peuvent présenter un intérêt. Des antioxydants peuvent être prescrits, mais ils se retrouvent également dans une alimentation équilibrée, notamment dans les fruits et légumes. Les antioxydants permettent ainsi de limiter les effets des radicaux libres, ces petites molécules qui circulent dans l'organisme et qui attaquent les tissus sains, dont les articulations. Les antioxydants les plus connus sont les vitamines A, C, E et le sélénium. - Quelles activités sportives pratiquer en cas d'arthrose ? La pratique d'un sport doit être adaptée. Cependant, les sports qui sollicitent trop les articulations doivent être évités. La marche est conseillée mais ne doit pas se prolonger en cas de coxarthrose ou de gonarthrose. Le cyclisme et la natation sont préconisés. L'activité physique favorise ainsi la circulation sanguine, et une bonne irrigation de l'articulation permet au cartilage d’être bien nourri. Frédéric Mallein-Gerin est chercheur à l'Institut de Biologie et de Chimie des Protéines à Lyon. Il dirige l'équipe "Biologie et ingénierie du cartilage" qui effectue des recherches pré-cliniques en vue d'améliorer la thérapie cellulaire du cartilage. - Pourquoi le cartilage ne se répare-t-il pas spontanément ? Le cartilage ne se répare pas seul, contrairement à l'os. Le cartilage est un tissu non-innervé et non-vascularisé. Ses lésions sont souvent irréversibles avec un risque d'évolution vers l' arthrose. Il existe des lésions du genou dues à la pratique d'un sport. Si elles ne sont pas soignées, elles conduisent à de l'arthrose. Il est possible de mettre une prothèse de genou, mais sa durée de vie est limitée. - Comment peut-on aujourd'hui réparer les lésions du cartilage ? Il existe plusieurs méthodes de réparation. Tout d'abord, on peut greffer du périoste, mais cela donne un cartilage qui n'a pas les mêmes propriétés que le cartilage articulaire. D’autre part, la méthode des microfractures permet à des cellules souches de moelle osseuse de coloniser l' articulation, mais cela donne toujours un cartilage qui n'a pas les mêmes propriétés que le cartilage articulaire. On peut aussi faire une greffe ostéochondrale, qui consiste à prélever des échantillons dans le cartilage sain et à placer ces "carottes" au niveau de la lésion, mais toute la surface ne peut être jointe. Enfin, il existe la greffe de chondrocytes autologues : on prend du cartilage sain, on le digère, on le met en culture pendant 3 semaines (amplification) puis on le réimplante. - Quels sont les inconvénients actuels de cette greffe ? Le problème de la greffe de chondrocytes autologues, c’est la lourdeur de la technique. Il y a deux opérations : une arthroscopie et une arthrostomie, et le geste chirurgical est difficile. De plus, l'amplification des chondrocytes pendant les semaines qui séparent les deux opérations conduit à leur dédifférenciation : les cellules perdent leurs caractéristiques. En effet, la protéine marqueur du cartilage est le collagène de type II. Or, au cours de l'amplification des chondrocytes, on perd l'expression du collagène de type II et on observe la présence de collagène de type I, qui est le collagène caractéristique de la peau et des os. - Comment peut-on améliorer la greffe de chondrocytes autologues ? La méthode est perfectible en utilisant des facteurs de croissance et des biomatériaux. Les biomatériaux forment un treillis, ressemblant à un gel, dans lequel on met les cellules ; les biomatériaux sont biocompatibles et biodégradables. Deux approches sont ainsi envisagées : la première consiste à amplifier les chondrocytes avant la greffe en espérant avoir un fragment de cartilage à greffer, mais il risque d'y avoir une hétérogénéité avec le tissu de l'hôte. La deuxième approche est d' implanter les cellules dans le biomatériau pour qu'elles fabriquent directement le cartilage chez l'hôte. Il faut faire des tests chez l'animal pour ces deux approches. - Quel est le rôle des facteurs de croissance ? Nous travaillons sur des facteurs de croissance, les BMP (bone morphogenetic proteins), dont la BMP-2, qui est importante pour le développement du squelette (cartilage et os). La BMP-2 a des propriétés ostéogéniques et chondrogéniques. Nous avons fait une étude avec du cartilage nasal et nous avons montré que la BMP-2 stimule l'activité chondrogénique des chondrocytes. Nous proposons d'utiliser la BMP-2 pour la réparation du cartilage chez l'Homme et d'associer aux cellules un biomatériau. - Y a-t-il d'autres pistes de recherche ? On pourrait également utiliser les cellules-souches pour réparer le cartilage. Le challenge est d'utiliser des cellules-souches qui ont une potentialité et de les orienter vers le lignage chondrocytaire. Il est très compliqué d'induire des cellules-souches en chondrocytes pour qu'elles fabriquent les bonnes protéines. Il faut trouver les bons protocoles.